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Le patrimoine agropastoral pourrait être qualifié de patrimoine simple, ingénieux et durable. Le Comité du patrimoine mondial, en inscrivant les Causses et les Cévennes sur la Liste du patrimoine mondial, a mentionné le terme de « génie humain » tant l’homme a su bien s’adapter et tirer partie des ressources naturelles, y compris dans la construction des éléments architecturaux. Né de la géologie où il se trouve, le patrimoine agropastoral est parfois typiquement caractéristique d’une zone géographique du Bien, c’est pourquoi nous vous proposons de découvrir plus en détails quelques éléments du patrimoine identitaire des grandes zones géographiques du Bien.

Sommaire

Sommaire
01 . Les lavognes 02 . Les toits-citernes 03 . Les cazelles 04 . Les clapas 05 . Les bouissieres 06 . Les mégalithes 07 . Les drailles 08 . Les ponts moutonniers 09 . Les calades 10 . Les terrasses 11 . Les amenagements hydrauliques 12 . Les fosses à loups 13 . Les clochers de tourmente 14 . Les montjoies 15 . Les croix de bornage 16 . Etablissements religieux

Le patrimoine agropastoral des Causses

Les causses couvrent 1 500 km² de la surface du Bien, soit sa moitié. Hauts plateaux calcaires découpés par de profondes vallées, leur particularité réside dans un relief karstique où l’eau tombe mais ne reste pas, fuyant par les diaclases du sol (fissures dans la roche). Dans ce « Pays de pierres » comme le qualifient parfois certains, le patrimoine agropastoral caussenard s’est déployé pour recueillir l’eau de pluie et développer une maîtrise parfaite de la pierre sèche. 

Les lavognes ou lavagnes

Patrimoine identitaire des causses, les lavognes, nommées ainsi en occitan, sont aussi appelées lavagnes sur la partie Sud (plateau du Larzac méridional).

Aménagées pour l’abreuvement des troupeaux, les lavognes sont des dépressions naturelles, des cuvettes argileuses, le plus souvent de forme circulaire, alimentées exclusivement par les eaux de pluie, de neige et de ruissellement des terrains alentours. 

Par-dessus la couche d’argile, on les a, la plupart du temps, dallées avec de grandes lauzes calcaires afin d’améliorer leur étanchéité et de protéger la couche d’argile des onglons des brebis. 

Seuls points d’eaux permanents d’abreuvement des troupeaux sur les causses, leur diamètre varie en fonction de la taille du cheptel. Cependant, elles sont souvent plus grandes sur le causse du Larzac et notamment à partir de la moitié du XIXème  siècle où le nombre d’ovins est plus important. Dépendant des précipitations, leur niveau d’eau varie constamment en fonction des saisons, mais elles restent un bien précieux, notamment dans un contexte de changement climatique où la ressource diminue. 

Depuis plusieurs années, des lavognes sont aussi restaurées ou créées via le réseau Natura 2000, car elles sont reconnues comme réservoir de biotope pour la petite et grande faune sauvage. 

Les toits-citernes

Toute bâtisse caussenarde est équipée d’une citerne afin de recueillir l’eau de pluie conduite via des chéneaux vers la citerne. Mais il existe aussi une construction très ingénieuse, inspirée des citernes mais moins connue, que l’on nomme les toits-citernes. On trouve ce type de construction plus spécifiquement sur le causse Noir et le Larzac. Ce type de collecteur consiste à construire une couverture de lauzes calcaires pour recueillir l’eau de pluie et la diriger vers une citerne qu’elle recouvre. Leur toit a souvent la forme d’un éventail percé en son centre mais certains sont parfois aussi à deux pentes et ressemblent à des jasses.

© PNR-GC
© PNR-GC

Les toits-citernes peuvent être adossés à une construction ou, le plus souvent, isolés. Le plus grand inventorié peut contenir jusqu’à 400 m³ d’eau. Les citernes sont le plus souvent construites sur un fond rocheux colmaté et les parois bâties étanchéifiées par un enduit à base de chaux et de terre cuite pilée. L’eau ainsi récoltée était destinée principalement à l’abreuvement des troupeaux et bien souvent, des abreuvoirs en pierre jouxtent les toits-citernes. 

Les cazelles

Petite Cazelle

La cazelle, tire son étymologie de l’occitan casèla qui signifie cabane. La cazelle, selon les régions, est aussi nommée chazelle ou capitelle, ou encore borie en Provence. Cette petite construction était bâtie par les bergers, sur les parcours où paissent les brebis, afin de se protéger du soleil, du vent et de la pluie, tout en gardant le troupeau. Ils utilisaient la pierre présente sur place, fruit de l’épierrement des champs. 

Souvent circulaire, sa taille est adaptée au berger et il n’est pas rare de voir des cazelles de petites dimensions, car destinées aux enfants qui gardaient souvent les troupeaux. Il n’y a jamais de vantaux à la porte pour pouvoir surveiller en permanence les brebis. 

Les cazelles sont bâties selon la technique de la pierre sèche, c’est à dire sans liant et avec une voûte dite « en tas de charge », chaque lauze couvrant les deux tiers de la lauze sur laquelle elle s’appuie. 

Certaines cazelles sont aussi directement incluses dans le mur de l’enclos pastoral.

Quelques cazelles sur le territoire des Causses et Cévennes, telle celle dite cazelle de Candet sur le causse de Campestre (Gard), offre, en plus d’une loge (salle) pour le berger, une loge pour un troupeau d’une quarantaine de brebis. Jasse (bergerie) et cazelle ne forment alors plus qu’un et constituent un ouvrage patrimonial exceptionnel.

On peut aussi voir de nombreuses cazelles le long des routes. Elles furent édifiées dès le XVIIIème siècle par les cantonniers qui avaient en charge une portion de route à entretenir. Leur espacement est par ailleurs systématiquement identique sur une même voie et leur technique de construction analogue aux abris de bergers, les cantonniers étant souvent d’anciens petits bergers qui ont reproduit les mêmes gestes constructifs.

Détail d’une voûte en tas de charge

Les Clapas

Que serait le causse sans les clapas ? Ces petits tas de cailloux disséminés partout sur le causse en sont l’identité profonde. Ils témoignent de l’acharnement des hommes à cultiver la terre du causse, « faire de pierre pain » comme les anciens le disaient parfois. 

Situés à la lisière des terres cultivées et des parcours, ces « tas de cailloux », qui est la traduction occitane du mot « clapas », sont le fruit de l’épierrement des champs : moins on a de cailloux, plus on a d’herbe ! 

Des clapas pas seulement un tas de cailloux

Mais au-delà d’être de simples tas, les clapas ont souvent été construits là où il y avait déjà de la pierre. Or, les causses ont été habités dès le néolithique et il n’est pas rare qu’un clapas ne soit que le prolongement d’un ancien tumulus, tas de terre et de pierre qui recouvrait un dolmen. Des fouilles archéologiques récentes menées en Lozère ont par ailleurs dévoilé sous des clapas un habitat du haut-moyennage. 

Des clapas parfois soigneusement bâtis

Aujourd’hui, ces clapas sont souvent soumis à des broyages mécaniques or leur destruction peut aussi conduire à la destruction de vestiges archéologiques. La plus grande vigilance est donc de mise car, au-delà de l’effacement d’un marqueur paysager identitaire du causse, une partie de notre passé est aussi effacée. 

Les bouissières

Une bouissière pour cheminer à l’abri

Les bouissières, buissières, bouïssières, trouvent leur origine dans le mot « buis ». Ce patrimoine agropastoral est avant tout végétal bien qu’entretenu par la main de l’homme. Une bouissière est un petit chemin bordé, voire couvert, de buis. Elle permet de cheminer, hommes et troupeaux, à l’abri du mauvais temps l’hiver quand le mauvais vent souffle sur les plateaux, mais aussi à l’abri du soleil l’été grâce au feuillage persistant des buis. 

Les bouissières permettent donc de conduire le troupeau à l’abri depuis le village jusqu'aux parcours, mais avaient aussi pour fonction de relier les domaines ou villages entre-eux. C’est pourquoi, certaines peuvent mesurer des centaines de mètres de long. On les entretenait d’autant plus que le buis trouvait un usage varié : litière pour les animaux, bois pour fabriquer des manches d’outils ou de la vaisselle. 

Le plus célèbre de ces tunnels de verdure est celui nommé la bouissière de Potensac et dont, paraît-il, les buis auraient plus de 500 ans ! 

Les mégalithes

Dolmens, menhirs, cromlechs, tous ces vestiges en majorité de l’époque néolithique, sont particulièrement nombreux sur les plateaux caussenards. Ils n’ont pas de lien direct avec la pratique agropastorale mais sont le témoignage de l’existence d’une présence humaine sur ces hauts plateaux à l’époque préhistorique où la pratique de l’agropastoralisme est avérée (domestication animale et agriculture). L’habitat, construit en matériaux périssables, a, lui, disparu. 

La plus grande concentration de menhirs sur le territoire des Causses et des Cévennes se trouve à la Cham des Bondons en Lozère où près de 200 menhirs ont été répertoriés. La fonction des menhirs reste aujourd’hui encore un mystère : marquage du territoire, points de repères dans le paysage, objets de culte ? 

Menhirs aux Bondons

Les dolmens quant à eux avaient une fonction bien précise puisqu’ils servaient de tombeau à la collectivité. Les vestiges archéologiques découverts parfois à l’intérieur nous ont permis d’en apprendre davantage sur le mode de vie des habitants du causse jadis. 

Quant aux cromlechs, on les trouve principalement sur le causse de Blandas dans le Gard où quatre, au sûr, ont été répertoriés. Cercle de pierres dressées, là encore leur fonction reste énigmatique, bien que l’on penche vers une pratique cultuelle. Un des cromlechs le plus facilement visible est celui de La Rigalderie. Il mesure 102 m de diamètre et comprend 86 blocs de calcaire dressés ou couchés. 

Le patrimoine agropastoral des Cévennes

Les Cévennes schisteuses forment un chevelu tressé de vallées parallèles étroites et profondes. On parle de serres et de valats, littéralement de crêtes et vallées. Les Cévennes jouissent d’un climat méditerranéen et généralement d’une faible altitude propice au maraîchage et à la culture de l’oignon doux. L’habitat cévenol est composé d’une multitude de petits hameaux, nommés mas, qui s’accrochent à la pente. L’homme ici a bâti les coteaux abrupts en y érigeant des terrasses et en essayant de contrôler l’eau qui peut devenir dévastatrice lors des célèbres épisodes cévenols. 

Les drailles

Chevelu des drailles sur les crêtes cévenoles

Visibles depuis les hauteurs du Mont Aigoual, les drailles cévenoles sont les chemins de transhumance empruntés depuis des millénaires par les hommes et leurs troupeaux pour rejoindre depuis les plaines gardoises ou héraultaises les monts, au mois de juin. Le trajet inverse s’effectue à l’automne lorsque la ressource des sommets est épuisée ou les conditions climatiques trop froides. On soupçonne que le tracé original est dû à la transhumance naturelle que pratiquaient alors les brebis et béliers sauvages et que les hommes ont imité dès le néolithique.

Ces chemins suivent les crêtes, les lignes de partage des eaux, empruntent des cols afin de ne pas redescendre dans les vallées et ne pas fatiguer le troupeau. Élément linéaire parfaitement visible dans le paysage, les drailles sont souvent bordées de murets pour canaliser les troupeaux, de bornes, permettant de délimiter la draille en cas de mauvais temps ou permettant de signaler les abris et points d’abreuvements. 

Borne de délimitation sur la draille de Margeride près du Col du Pas 

Les grandes drailles sont nommées des collectrices. Ce sont les voies principales sur lesquelles viennent se greffer de plus petits chemins de transhumance. On compte quatre collectrices sur Causses et Cévennes : celle du Malons qui mène de Coury au Mas de l’Ayre ; celle de Jalcreste qui conduit de Tornac au Bleymard ; celle de l’Asclier qui relie le col du même nom à Florac et enfin celle de la Luzette qui va de Ganges au col de la Serreyrède. 

Les drailles connaissent leur apogée au XIXème siècle où plus de 500 000 brebis venues des plaines languedociennes montaient vers le Lozère ou l’Aigoual. Aujourd’hui 20 000 brebis transhument encore et empruntent les drailles, la plus longue transhumance s’effectuant en une semaine à pied. 

Les ponts moutonniers

Construits sur de grandes drailles, les ponts moutonniers ont pour fonction de permettre le passage d’une rivière, d’une route ou d’un ravin, spécifiquement pour les troupeaux. Ces ponts permettent ainsi de franchir des obstacles sans que le troupeau ait à descendre ou monter trop fortement, le ménageant ainsi au maximum d’efforts supplémentaires. 

Un des plus célèbres pont moutonnier est celui de l’Asclier, situé au col du même nom, à 905 m d’altitude. Il franchit en une seule arche voûtée en berceau la route D20 menant à St Jean du Gard. Les bergers venus de Sumène et de Lassalle (Gard) l’utilisent toujours. À la sortie du pont, une statue de berger a été érigée offrant un point de repos et un panorama sublime sur les montagnes des Cévennes. 

Les calades

Souvent présentes dans les hameaux en pente mais aussi sur les drailles ou les anciens chemins de charrois, les calades ont pour principale fonction de renforcer la solidité du chemin en limitant son érosion, empêchant les ornières et permettant parfois de mieux canaliser l’eau de ruissellement. 

Les calades sont bâties avec des pierres posées sur chant, c’est à dire sur la tranche et non à plat comme un dallage traditionnel. D’une certaine profondeur, les pierres sont toutes en contact mécanique les unes avec les autres et constituent un sol fini horizontal. Les calades sont poreuses et, quand il pleut, absorbent l’eau de pluie. Puis, à saturation, elles laissent s’écouler le flux de l’eau sur leur surface en le ralentissant ou en le canalisant vers des exutoires. De plus, les calades forment des sols souvent très esthétiques dans les villages et utilisent le matériau local. On peut trouver des calades en milieu urbain ou en pleine nature. 

Le bâtisseur de calades s’appelle un caladeur et ce métier demande un réel savoir-faire afin de sélectionner puis assembler correctement les pierres, les vraies calades étant construites en pierre sèche, c’est à dire sans liant. Toutefois, notamment dans les pentes raides des villages, on peut poser des calades sur un lit de mortier composé de sable et de chaux afin de combler les joints de surface et mieux maîtriser le fond de forme. 

Les terrasses

Indissociables des Cévennes, les terrasses scandent les pentes raides des vallées afin d’aménager des terres cultivables. Selon les vallées, on les nomme faïsses, accols, traversiers, bancels, mais toutes témoignent de la pugnacité de l’homme à se battre contre les éléments et élever, coûte que coûte, des murs en pierre sèche où ils déversaient de la terre remontée du bas de la pente pour pouvoir aménager des planches – replats - pour y cultiver quelques subsistances. Les terrasses jouxtent toujours le mas pour pouvoir y cultiver le jardin. Au XVIème siècle, elles ont servi à l’intensification de la culture du châtaignier puis au XVIIIème à celle du mûrier, indispensable pour nourrir les vers à soie. 

Aujourd’hui seule une petite partie des terrasses est visible car beaucoup sont cachées par la végétation, notamment par les châtaigniers. Cependant, elles connaissent depuis quelques années un renouveau certain, avec la culture de l’oignon doux des Cévennes qui procure un revenu complémentaire substantiel aux agriculteurs ou éleveurs. 

La construction des terrasses s’accompagne toujours de petits aménagements pour la gestion de l’eau, notamment la régulation, voire la déviation des flux pour que, lors des épisodes cévenols, les terrasses ne soient pas mises à mal. De plus, on s’aperçoit aujourd’hui que les terrasses bâties en pierre sèche ont la faculté d’emmagasiner l’eau de pluie pour la restituer plus tard, petit à petit, ce qui est très bénéfique.

La culture de l’oignon doux en terrasses dans les Cévennes 

Les aménagements hydrauliques

Rascasse construite dans le lit d’un ruisseau

Les aménagements hydrauliques en Cévennes sont forts nombreux et anciens car le cévenol a de tout temps dû composer avec deux aspects : dompter les eaux trop fortes lors des violents orages sur des pentes très raides et capter l’eau pour irriguer ses cultures lors des périodes de sécheresse. 

Afin de détourner l’eau lors des épisodes cévenols violents par exemple, les hommes ont construit des aiguiers, petits fossés creusés au-dessus des terrasses pour conduire les écoulements violents de l’eau vers des ruisseaux et ainsi éviter qu’elle ne détruise les terrasses cultivées. 

Souvent, des tranchats, petites rigoles creusées au pied des terrasses ont aussi ce rôle d’évacuation. Le cévenol a aussi construit à même le lit des ruisseaux en édifiant ce qu’on nomme des rascasses ou tancats, barrages souvent bâtis avec la technique de la pierre clavée, très résistante et dont les plus beaux exemples peuvent mesurer jusqu’à 6 mètres de haut. Ces barrages ont pour but de casser le rythme de l’eau mais aussi de pouvoir retenir de la terre arable à leur pied, permettant de recharger les tables des terrasses alentours.

Afin de capter l’eau, l’ouvrage le plus emblématique des Cévennes est le béal. Canal d’irrigation, parfois construit sur plusieurs kilomètres avec une faible pente, il permet de conduire l’eau captée via une prise d’eau dans un ruisseau vers les cultures. 

Un droit d’eau régit alors son utilisation, chaque propriétaire traversé par le béal pouvant puiser la ressource selon des heures et jours définis, souvent devant notaire, à l’aide d’un système de vanne. Ce dernier se compose soit d’une simple pierre dressée, soit d’une pièce de bois nommée esclaffidou ou d’une plaque métallique, appelée martelière

Des gourgues, bassins de rétention d’eau, pouvaient aussi être aménagées afin d’avoir une réserve d’eau plus importante. 

Un des béals les plus emblématiques et que l’on peut découvrir via un sentier de randonnée est celui de La Viale situé dans le massif de la Borne prés de Villefort. Cet ouvrage mesure 10 km de long et sa construction s’est achevée en 1862, après 4 ans de travaux. 

Les fosses à loups

Nommées subes ou sugues en occitan, on trouve encore quelques traces de ces aménagements dans les Cévennes. Nous disposons de nombreux témoignages relatant la présence forte des loups à proximité des villages au XVIIIème et XIXème siècles. Souvent, les hommes des villages étaient réquisitionnés pour organiser des battues afin de tuer une bête qui occasionnait trop de dégâts. 

La traque des loups était aussi opérée par des louvetiers ou loubatiers, des chasseurs de loups. En plus des battues, leur travail consistait également à construire des fosses à loups. 

Deux types de fosses à loups sont aménagées : soit creusées dans le rocher sans aménagement particulier, soit creusées dans la terre dont les parois étaient empierrées. Les fosses à loups ou subes ont une profondeur moyenne de 2 mètres pour une ouverture variant de 45 à 50 cm avec un léger rétrécissement dans la partie supérieure. Les fosses, souvent placées à des passages étroits de cols, étaient recouvertes de branchages afin que le loup ne les voit pas et y tombe dedans. En raison de la hauteur de la fosse, impossible pour lui de remonter. Plusieurs fosses à loups sont répertoriées en Cévennes dans les départements du Gard et de la Lozère, mais leur présence discrète et leur comblement naturel rend parfois leur inventaire difficile. 

Le patrimoine agropastoral des monts

Culminant respectivement à 1 567 et 1 699 mètres d'altitude, le Mont Aigoual et le Mont Lozère sont des massifs granitiques aux courbes arrondies où le climat montagnard est de rigueur. Les hommes vivants sur ces hautes terres vivaient en autarcie, en particulier l’hiver. Le patrimoine qu’ils ont édifié traduit cette dureté, soit au travers d’une architecture particulièrement massive en raison de la dureté du granit (on parle parfois d’architecture cyclopéenne), soit au travers d’éléments patrimoniaux qui servaient à se repérer dans le paysage, la traversée de ces monts pouvant devenir mortelle selon les saisons. 

L’été, ces hautes terres, riches en herbe et en eau, accueillent les troupeaux d’ovins venus en estive depuis les plaines languedociennes, aux côtés des troupeaux de bovins venus des fermes alentours.

Détail clocher de tourmente des Sagnes

Les clochers de tourmente

Principalement situés dans les hameaux du Mont Lozère, les clochers de tourmente avaient pour fonction, comme leur nom l’indique, d’être actionnés lors des tempêtes de neige. En effet, sur ce sommet, lorsque la neige se mêle à un vent violent, toute visibilité disparaît. Ainsi, lors des tempêtes hivernales, un sonneur spécifiquement dédié au clocher actionnait la cloche, parfois pendant des heures, afin que le voyageur ou le berger égaré puisse retrouver le village au son de la cloche.

Les clochers de tourmente sont souvent de simples ouvrages présentant un mur haut maçonné surmonté d’une cloche et souvent coiffé d’une croix. Certains hameaux ont le clocher de tourmente placé sur le four à pain, marquant ainsi le caractère communautaire de cet édifice.  Ils ont été édifiés par les habitants eux-mêmes au début du XIXème siècle. 

Bien que leur fonction soit restée dans les mémoires lors des tempêtes, les clochers de tourmente sont érigés dans les hameaux dépourvus d’église. Ils avaient donc aussi pour fonction d’annoncer les évènements de la vie paroissiale : l’angélus, les naissances ou les décès par exemple. 

Plusieurs clochers de tourmente sont aujourd’hui classés monuments historiques. 

Clocher de tourmente avec autres édifices communautaires à La Fage

Les montjoies

Formant de grands linéaires dans le paysage, comme sur le flanc nord du Mont Lozère, les montjoies sont des pierres dressées mesurant de 1,50 m à 2 m de haut bordant des chemins de transhumance afin de marquer le chemin, mais aussi de se repérer en cas de brouillard ou de neige. On en trouve également sur d’anciennes voies commerciales, comme ceux érigés en 1745 à La Can de l’Hospitalet par les Etats du Gévaudan. 

Les croix de bornage

Les Templiers et les Hospitaliers ont joué un rôle fondamental dans l’économie de l’agropastoralisme, permettant de faire de cette agriculture, au-delà d’une activité de subsistance, une véritable activité économique marchande. Leurs cités les plus célèbres sont encore visibles sur le Larzac, mais les templiers ont aussi régné sur le Mont Lozère où des propriétés comme l’Hôpital leur appartenaient, faisant partie de la commanderie de Gap Francès. Fruit d’un don d’Odilon Guérin, seigneur du Tournel, aux hospitaliers de St-Jean-de-Jérusalem en 1 166, la commanderie s’étendait sur les flancs nord et sud du Mont Lozère.

Ce territoire était alors très riche en culture de seigle et en élevage. Périodiquement, le commandeur effectuait le contrôle des bornages de terres en même temps qu’il invitait les paysans à déclarer leurs parcelles pour en définir les prélèvements. 

Le bornage se traduisait physiquement sur le terrain par l’implantation de pierres dressées, en général d’un mètre de haut, sculptées d’une croix de Malte. Aujourd’hui encore, ces bornes sont en place et les limites communales sont toujours calquées sur cet ancien parcellaire. La commanderie de Gap Francès a fortement marqué le territoire du Mont Lozère de par sa longévité, en étant présente sur ce massif du XIIème au XVIIIème siècle. 

Les établissements religieux

Situé en haut de la vallée du Bonheur dans le massif du Mont Aigoual, le prieuré Notre-Dame de Bonheur, dont il reste quelques vestiges, a été fondé au XIe ou au XIIe siècle. Les six chanoines qui y vivaient devaient prêter assistance aux voyageurs, notamment en faisant sonner une cloche de nuit et par mauvais temps pour leur permettre de se repérer.

Vallée du Bonheur

Grâce aux dotations des maisons seigneuriales voisines Roquefeuil et Mandagout, consenties contre la promesse de faire des messes pour les âmes des donateurs, ce petit établissement religieux s’est rapidement retrouvé à la tête d’un vaste domaine englobant la vallée de Bonheur. Sur place, les chanoines avaient un jardin, des champs, des prés ainsi qu’un « pailler », une « grange », un « pigeonnier », des « moulinages » et des « bergeries ».

En y installant une complémentarité durable entre les pâturages, les champs cultivés et les bois, les chanoines ont joué un rôle décisif dans la mise en valeur agropastorale de la vallée du Bonheur. Installés au bord d’une draille de transhumance, ils percevaient aussi des droits de pâturage pour les troupeaux venus d’ailleurs.

Même si les troubles religieux successifs entre le XVIe - XVIIIe siècle, suivis de la Révolution française, ont mis fin à l’occupation du prieuré par les chanoines, nous leur devons les paysages que nous observons aujourd’hui encore. Jusqu’à maintenant, la vallée du Bonheur est une estive, accueillant chaque été entre 1200 et 1500 brebis en provenance de l’arrière-pays montpelliérain.

Vestiges du prieuré Notre-Dame-de-Bonheur