Le Mont Aigoual
Géographie
Situé dans les hautes Cévennes, l’Aigoual est un massif issu de remontées granitiques et culminant à 1 567 m d’altitude. Il est fortement individualisé et domine largement toutes les Cévennes et les Causses.
Le sommet de l’Aigoual est réputé pour ses conditions climatiques extrêmes avec des températures très basses en hiver, des chutes de neige conséquentes, des vents presque continuels et de fortes et abondantes précipitations. Le massif est en effet le théâtre de l’affrontement entre les masses d’air océaniques et méditerranéennes. De nombreuses rivières, dont l’Hérault et la Jonte, prennent également naissance ici.
Une réorientation difficile vers la forêt
Le massif est aujourd’hui composé d’immenses boisements plantés il y a plus de cent ans par les forestiers. En effet, la forêt originelle, surexploitée au XVIIIème siècle pour les besoins des industries du Bas-Languedoc puis sur-pâturée, avait presque totalement disparu à la fin du XIXème siècle. Les précipitations violentes sur les pentes de l’Aigoual dépourvues de végétation provoquaient alors de graves inondations en aval. Pour lutter contre le ravinement, Georges Fabre, jeune garde général des Eaux et Forêts, fut chargé de reboiser l’Aigoual. Il lança notamment la création d’un observatoire météorologique, ainsi que la mise en place de plusieurs arboretums afin d’expérimenter l’acclimatation d’essences exotiques.
Comme dans beaucoup de massifs, le reboisement s’avérera très difficile car confronté à une vive opposition de la population y voyant une menace pour le développement économique local. Mais finalement bien plus que les lois successives imposant le reboisement, c'est la crise du système agropastoral, avec d'une part l'exode rural et d'autre part, la promotion de l'élevage intensif en plaine, qui a permis de faciliter les opérations de reboisement. La forêt joue aujourd'hui un rôle socio-économique fort avec une production de 40 000 m³ par an, générant des emplois non négligeables.
Agropastoralisme
Les hautes terres du Mont Aigoual sont depuis des siècles des ressources utilisées en période estivale par les troupeaux transhumants en provenance des garrigues. Le développement des monastères et abbayes à partir du IXème siècle a largement contribué à l’organisation de la transhumance et des espaces pastoraux comme en témoignent les vestiges de l’Abbaye du Bonheur, qui gérait les droits de passage des troupeaux sur le massif.
La transhumance permet aux troupeaux de profiter de la repousse tardive des herbages d'altitude en période estivale quand les plaines du Languedoc subissent la sécheresse. Sur le Mont Aigoual ce système a atteint son apogée au milieu du XIXème siècle où 500 000 moutons montaient sur les estives.
Les exploitants locaux entretenant une agriculture vivrière trouvaient également un intérêt aux troupeaux transhumants qui permettaient de fertiliser les terres lors de nuits de fumature. Aujourd’hui, le fumier, appelé migou, est toujours collecté dans les parcs de nuit où sont regroupées les brebis.
Le déclin de la transhumance à partir du milieu du XIXème est couplé au déclin de la filière ovine en général et de la filière laine en particulier. L’exode rural a également réduit les besoins locaux en migou. Sur le massif, le pastoralisme est alors en grande partie évacué et les terres d’estives remplacées par la forêt à l’issue d’une grande campagne de reboisement pour lutter contre les problèmes d’érosion.
Aujourd’hui la pratique se maintient dans une bien moindre mesure, pour la production d’agneaux. Sur l'ensemble du territoire, elle concerne moins de 100 éleveurs transhumants, pour 20 000 brebis et 6 000 ha d’estive, mais demeure une nécessité économique pour le maintien des petits troupeaux cévenols et des grands troupeaux des garrigues. On note par ailleurs un certain renouveau avec un rajeunissement et une féminisation du métier.
Sur l’Aigoual, ce sont essentiellement des éleveurs en provenance du Gard qui investissent le massif de mi-juin à mi-septembre, le troupeau redescend ensuite pour l’agnelage d’octobre. Ici, la transhumance se pratique encore à pied et donne lieu à des fêtes lors de la montée des troupeaux. Les estives sont gérées par des groupement pastoraux qui correspondent à des associations d’éleveurs, permettant de partager les responsabilités et les frais. Le troupeau est conduit par un ou plusieurs bergers dont le rôle est de gérer les ressources et d’assurer une bonne alimentation des animaux.
Les races rustiques des Cévennes : Caussenarde des Garrigues, Raïole et Rouge du Roussillon, adaptées au pays et à la transhumance ont laissé la place à la Blanche du Massif Central.
Aujourd’hui, il y a une forte évolution du mode de gardiennage en raison de la prédation (loup) avérée depuis 2014 sur les Causses et Cévennes : parcs de nuits, patous, aides-bergers, filets de protection électriques. Le changement climatique est aussi perceptible et influe sur la ressource en herbe et en eau. Son impact entraîne des adaptations par exemple en multipliant les quartiers de pâturage ou en modifiant les dates d’estives. Parallèlement, les conditions de logement des bergers ont été largement améliorées par la construction de cabanes pastorales.
Paysage
Le Mont Aigoual est, après le Mont Lozère, le deuxième plus haut sommet des Cévennes. Il domine les vallées cévenoles au sud et les couronnes du causse Méjean au nord. Son sommet accueille un observatoire météorologique inauguré en 1894, qui offre un panorama saisissant sur l’abrupt vertigineux de la vallée de Valleraugue. Ce belvédère réputé et facilement accessible attire de nombreux visiteurs.
Le massif de l’Aigoual est aujourd’hui une montagne essentiellement boisée de forêts de hêtres, de pins, d’épicéas et de sapins, essentiellement gérées par l’ONF et issues des grandes campagnes de reboisement menées à la fin du XIXème siècle.
Les paysages agropastoraux, toujours entretenus par la transhumance ovine, sont quant à eux devenus des espaces plus rares mais contribuant à la diversité des milieux et des paysages. Ils se sont maintenus sur des secteurs privilégiés notamment les croupes et sommets comme au col de Salidès, à Massevaques, sur les plateaux de Camprieu et du Lingas ou dans la vallée de la Dourbie. Ces espaces forment des clairières dans un massif aujourd’hui essentiellement boisé. Les végétations valorisées par les troupeaux sont principalement composées de pelouses et landes d’altitude qui sont souvent répertoriées comme habitats d’intérêt communautaire. Ces espaces constituent un enjeu écologique pour la conservation des milieux ouverts en altitude qui hébergent une riche biodiversité.
Implantation humaine
Sur le massif, l’habitat rural est présent de façon discrète dans les principales vallées. La composition des hameaux et la qualité du bâti sont encore bien préservés.
De nos jours, l’urbanisation se concentre sur les deux pôles touristiques de l’Espérou et de Camprieu qui ont connu un développement résidentiel et touristique introduisant des constructions sans rapport avec le bâti traditionnel et dénaturant ponctuellement les qualités paysagères du massif.
Le Mont Lozère
Géographie
Plus au nord, le Mont Lozère est un massif culminant à 1 699 m d’altitude, issu d’une remontée granitique ayant percé les schistes il y a 280 millions d’années.
Sa crête s’étend d’ouest en est sur plus de 25km et abrite les plus hauts villages habités du territoire sous un climat montagnard. Exception à la géologie granitique, le plateau des Bondons, qui constitue un bas versant du Mont Lozère, fait partie des formations calcaires résiduelles d’avant-causses.
Le Mont Lozère possède un riche réseau hydrographique dont le Tarn qui y prend sa source, ainsi qu’une remarquable densité de zones humides et tourbières d’altitude.
Face à lui, le Mont Bougès se dresse en parallèle. Sa crête émousée s'élève à 1 421 m d'altitude et se prolonge par la crête schisteuse cévenole plus aiguisée du Ventalon. Troisième sommet du territoire, le Bougès s'apparente fortement au Mont Lozère avec ses hauts plateaux pastoraux.
Agropastoralisme
Terre d’estive traditionnelle pour les troupeaux transhumants en provenance du Languedoc et lieu de passage pour les troupeaux transhumants vers la Margeride, le Mont Lozère est encore aujourd’hui principalement exploité par l’élevage et le pastoralisme.
Le massif partage avec le Mont Aigoual l’apogée et le déclin des systèmes transhumants ovins, les pelouses et landes d’altitude étant des ressources prisées en période de sécheresse estivale. Mais l’histoire agraire des deux massifs se différencie.
Sur le Mont Lozère, c’est la présence des Hospitaliers et des Cisterciens à partir du XIIème siècle, qui va contribuer à l’organisation pastorale du massif. Avec au moins 7 500 hectares en leur possession, ces ordres militaires ou religieux, dont les chefs lieux étaient situés dans les plaines languedociennes, s’assuraient des espaces complémentaires indispensables aux troupeaux transhumants en leur possession. Cette situation marqua durablement le paysage, l’architecture et le parcellaire.
Les sommets accueillent les troupeaux transhumants alors que le versant sud plus favorable offre des prairies de fauche ou terres cultivables dans les dépressions et combes permettant la sédentarisation des exploitations. Plus récemment, l’élevage de vaches Aubrac pour la production de viande s’est développé jusqu’à prendre une place importante sur le massif.
La transhumance, encore vivante, se pratique toujours à pied avec des troupeaux provenant des garrigues ou bien d’exploitations situées au nord du massif, et donne lieu à une fête annuelle lors de la montée en estive.
Le recul du pastoralisme suite à l’exode rural et aux politiques de reboisement, a contribué à la fermeture des paysages du Mont Lozère en favorisant l’enfrichement et les accrus de résineux. Sur les espaces à usage pastoral, l’utilisation traditionnelle du feu permet de contenir cette dynamique.
Paysage
Le Mont Lozère se caractérise par ses sommets arrondis aux paysages pastoraux emblématiques de pelouses et de landes parsemées de chaos granitiques et de tourbières. Ces espaces occupant les crêtes sont le point d’aboutissement supérieur des troupeaux d’ovins transhumants.
Les versants ont pour leur part une dominante forestière, en particulier le versant nord, avec des boisements qui traditionnellement s’étagent depuis les châtaigneraies et chênaies des basses pentes jusqu’aux hêtraies et sapinières d’altitude. Mais aujourd’hui, la forte majorité des boisements est constituée de résineux issus des opérations de Restauration des Terrains de Montagne de la fin du XIXème siècle
Le versant sud offre néanmoins des espaces plus favorables au pastoralisme comme la plaine du Tarn (l'Hôpital, Mas Camargues, Bellecostes) ou le plateau de l’Aubaret, avec des paysages très ouverts de landes ou de pelouses. Juste en face, sur le Bougès, ce sont les plateaux de Grizac et de l'Hermet qui se distinguent par leurs vastes espaces pastoraux semblables au Mont Lozère. Sur le sommet du Bougès, la serre de Mijavols est également une terre d'estive pour les transhumants.
Ces vastes espaces dédiés au pâturage sont par endroit parsemés de chaos granitiques façonnés par l’érosion et particulièrement pittoresques. La pierre est également omniprésente au travers des nombreux ouvrages liés à la vie rurale qui structurent le paysage et témoignent du riche patrimoine laissé par les sociétés agropastorales successives : mégalithes, bornes, béals, ponts, murets, habitations...
L’enfrichement des pâturages délaissés et la progression des accrus naturels issus des plantations de résineux, sont les grands facteurs d’évolution des paysages du massif. Le développement du tourisme avec l’aménagement d’une station de ski et d’infrastructures d’accueil altère ponctuellement les qualités paysagères du site.
Implantation humaine
Sur le Mont Lozère, les villages et hameaux sont installés en rupture de pente à proximité des zones cultivables. Leur implantation homogène et dense est caractéristique et contribue à une intégration pittoresque du bâti traditionnel dans les vaste espaces du massif. Les bâtiments construits en gros blocs de granit, parfois sans liant, offrent une architecture particulièrement remarquable a l’aspect rustique et massif. Les villages jadis habitués à vivre en autarcie en raison des rudes conditions climatiques ont conservé leur patrimoine communautaire : four à pain, métier à ferrer, fontaine et clocher de tourmente. Ce dernier avait entre autres pour fonction de guider les personnes égarées dans la tourmente l’hiver.