Un paysage culturel
de l’agropastoralisme
méditerranéen
Ce paysage culturel, modelé au fil des millénaires par l'activité agropastorale, s'étend sur une vaste superficie de plus de 3 000 km², située au sud du massif central, en région Occitanie, et englobe quatre départements : l’Aveyron, le Gard, l’Hérault, et la Lozère.
Chiffres clés
- 22 000 habitants
- 1 400 exploitations agricoles
- 3 000 km², 50 % de surface agricole dont 80 % de surface pastorale
- 140 000 brebis, 20 000 ovins transhumants, 8 500 caprins, 8 500 bovins
Le périmètre du site inscrit a été déterminé en s'appuyant sur des critères géomorphologiques, paysagers, agricoles et culturels permettant de délimiter les espaces les plus représentatifs du paysage culturel de l'agropastoralisme, ceux détenant une forte identité historique et bénéficiant déjà d'un ensemble très complet de mesures de protection et de gestion.
Agropastoralisme ?
L’agropastoralisme est une forme d’élevage qui trouve son équilibre grâce au pâturage des troupeaux sur des parcours semi-naturels (pastoralisme) et la production de fourrages et de céréales nécessaires pour compléter leur alimentation (agro). Les pratiques sont dites extensives : sur les causses, on compte en moyenne une brebis par hectare ou une vache pour 10 hectares !
50 % de la surface du territoire Causses et Cévennes est agricole dont 80 % pastorale.
Paysage Culturel ?
Les paysages culturels sont, selon l’UNESCO, des « œuvres conjuguées de l’homme et de la nature » qui illustrent l’évolution de la société humaine au cours du temps et son adaptation aux contraintes physiques, économiques et sociales.
Les paysages des Causses et des Cévennes sont façonnés par l’activité agropastorale depuis le néolithique et poursuivent leur évolution. Aujourd’hui on compte environ 1 400 exploitations agropastorales sur le territoire. C’est pourquoi le site est inscrit en qualité de « paysage culturel évolutif et vivant ».
Méditerranéen ?
Les Causses et les Cévennes concentrent sur leur territoire les différents types d’organisations pastorales du pourtour méditerranéen de par la diversité des troupeaux (ovin, bovin, caprin ; viande et lait) et des systèmes (sédentaires, transhumants, petits transhumants).
Le pastoralisme, commun à beaucoup de cultures dans le monde, peut avoir diverses formes qui sont toutes pratiquées sur les Causses et les Cévennes ! De plus, la pratique s’adapte au climat méditerranéen : recours à la transhumance, pâturage en dehors de heures chaudes l’été, etc.
Une histoire millénaire
Depuis des millénaires, l'activité agropastorale sédentaire ou transhumante, ovine, bovine ou caprine, permet aux hommes de vivre sur ce territoire, de maintenir de vastes espaces ouverts pour le pâturage des troupeaux et de façonner des paysages identitaires et emblématiques.
En effet, le paysage actuel est le résultat des organisations agropastorales successives dont il conserve encore les nombreuses traces.
Les recherches archéologiques démontrent que, dès le néolithique moyen (5 000 à 2 500 av. JC), les Causses et les Cévennes furent parcourus par des populations qui pratiquaient l’élevage et l'agriculture. La richesse des sites mégalithiques sur le territoire témoigne de cette occupation ancienne. Les chemins de transhumance ont par la suite contribué au peuplement du territoire. En effet, dès le second millénaire av. JC, les hommes auraient suivi le déplacement instinctif des animaux depuis la plaine littorale vers les pâturages plus verts de montagne.
Néanmoins, les principales composantes des paysages agropastoraux maintenues jusqu’à nos jours furent mises en place au moyen âge. En effet, le rôle des ordres religieux et des seigneuries a été fondamental pour l'organisation de l'économie liée à élevage en particulier sur les grands causses avec les Templiers et Hospitaliers.
L’apogée démographique du territoire est atteinte au milieu du XIXème siècle, avec un essor économique important où les activités se diversifient : élevage et pastoralisme (sédentaire et transhumant), élevage du ver à soie et filatures, exploitation de la châtaigneraie, mines (charbon, zinc, plomb). Cependant, à partir de 1850, commence un déclin économique et démographique lié aux maladies du ver à soie et du châtaigner ainsi qu’à l’exode rural. Ce déclin s’intensifie au début du XXème siècle avec les conflits mondiaux entraînant l’abandon de nombreuses fermes et une forte progression des zones boisées sur le territoire.
Ainsi le paysage est à l’image d’un palimpseste : un parchemin dont on a fait disparaître des inscriptions pour en écrire de nouvelles. Partout, l’homme a laissé son empreinte au travers d’un bâti disséminé sur le territoire qui reflète à la fois son activité, ses croyances et ses traditions. C’est pourquoi nous parlons de paysage évolutif.
Sur les Causses et les Cévennes ces traces et vestiges sont particulièrement bien conservés, constituant ainsi un témoignage exceptionnel de la civilisation agropastorale méditerranéenne. Cependant, c’est aussi un paysage vivant, car l’agropastoralisme continue encore aujourd’hui à jouer un rôle actif dans l’économie locale et le processus évolutif est toujours en cours.
Les Causses et les Cévennes sont également un exemple d’établissement humain sur un territoire particulièrement difficile. Les contraintes géologiques, climatiques ou encore topographiques sont à l’origine d’un important effort d’adaptation, obligeant l’homme à trouver des réponses spécifiques pour son implantation. Ici, la culture agropastorale avec ses pratiques économes et ses ouvrages ingénieux, permet de tirer partie des ressources du territoire. Son influence singulière sur le paysage illustre l’interaction de l’homme avec son environnement. On parle d’œuvre conjuguée de l’homme et de la nature.
Un patrimoine
commun de l’humanité
Les Causses et les Cévennes ont été inscrits le 28 juin 2011 sur la Liste prestigieuse du patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO, au titre de la convention internationale pour la protection du patrimoine naturel et culturel. Cette inscription dans la catégorie des paysages culturels évolutifs et vivants est une reconnaissance internationale de l’exceptionnalité du territoire.
L’UNESCO
(United Nations for Educational, Scientific and Cultural Organisation)
L’UNESCO, dont le siège est à Paris, est une organisation non gouvernementale née en 1945 sous l’impulsion de 37 pays qui voulaient instituer une véritable culture de la paix. Sa première action a été de reconstruire les écoles détruites lors de la seconde guerre mondiale.
L’UNESCO mène encore aujourd’hui de nombreuses actions pour l’éducation dans le monde.
« Plus les hommes sont instruits, moins ils sont enclins à se faire la guerre ».
Le patrimoine mondial
Le sauvetage des temples d’Abou Simbel en Égypte en 1959, grâce à des fonds collectés par l’UNESCO, a été l’élément déclencheur d’une prise de conscience mondiale sur le fait qu’il existe un patrimoine doté d’une valeur universelle et dont la disparition constituerait une perte pour l’humanité.
Le 16 novembre 1972, l’UNESCO adopte la convention concernant la protection du patrimoine culturel et naturel ; c’est elle qui régit encore aujourd’hui la Liste du patrimoine mondial.
Le temple évoque le Parthénon, temple grec qui symbolise la recherche de l’équilibre et d’harmonie sur le plan des rapports entre les nations.
Cet emblème symbolise l’interdépendance des biens culturels et naturels. Le carré central représente une forme créée par l’homme et le cercle la nature. Patrimoine mondial est écrit selon les trois langues de travail de l’UNESCO.
La convention du patrimoine mondial définit trois catégories de sites : les biens culturels (c’est à dire bâtis par l’homme), les sites naturels ou les biens mixtes. La France figure parmi les pays européens à avoir le plus de sites inscrits sur la Liste du patrimoine mondial.
Le patrimoine est l’héritage du passé dont nous profitons aujourd’hui et que nous transmettons aux générations à venir. Les sites du patrimoine mondial appartiennent à tous les peuples du monde, par delà les frontières.
Pour aller plus loin :
Un patrimoine en constante évolution
Aujourd’hui, avec plus de 1 000 sites inscrits dans le monde, la notion même de patrimoine a beaucoup évolué. Ainsi, les paysages culturels sont apparus en 1992 en sous-catégorie des sites culturels et le patrimoine immatériel existe depuis 2003. Ceci permet à davantage de pays d’accéder à une reconnaissance mondiale et de reconnaître la diversité des savoir-faire et pratiques.
L’activité agropastorale
garante des paysages
Des paysages façonnés par l’agropastoralisme
Le paysage culturel des Causses et des Cévennes est étroitement lié aux activités pastorales extensives qui permettent notamment de maintenir des milieux ouverts par l’action du pâturage. Ces surfaces pastorales, que l’on appelle aussi parcours, ne sont pas cultivées car leurs contraintes pédologiques, géologiques ou topographiques empêchent leur mécanisation. Elles se caractérisent par une végétation spontanée et hétérogène (pelouses, landes) qui offre des ressources alimentaires variées que les animaux prélèvent en pâturant.
L’intérêt paysager des parcours s’exprime par la monumentalité des vues qu’ils ouvrent ; mais aussi par leur faciès semi-naturel, leur richesse biologique et par la présence de nombreux éléments architecturaux témoignant des pratiques et traditions pastorales.
Certains parcours sont boisés, on parle alors de pâturage en sous bois, parfois de sylvopastoralisme si le bois est valorisé.
Les cultures agricoles qui viennent en complément du pâturage s’intègrent dans la mosaïque paysagère de l’agropastoralisme au travers de formes singulières et identitaires telles que les dolines ou les terrasses.
Pour aller plus loin :
Des pratiques spécifiques
C’est grâce au pâturage que les paysages sont entretenus car sans « la dent de l’animal », la forêt recouvrirait tout et des espèces animales et végétales naturelles dépendantes du pastoralisme disparaîtraient.
Sur la zone inscrite des Causses et Cévennes, on compte environ 1 400 exploitations agricoles. Les cheptels et les productions sont diversifiés. On trouve des troupeaux de vaches, de chèvres et de brebis, parfois de races locales.
Les troupeaux peuvent soit rester dans des parcs clôturés, soit être gardés. Tout l’art du berger consiste à les guider au bon moment, au bon endroit pour trouver de quoi manger et boire.
Selon les saisons et les lieux, les animaux peuvent consommer de l’herbe, des feuilles, mais aussi des fruits comme les glands ou les châtaignes ! Certains éleveurs transhument, notamment en été, pour amener leur troupeau dans des parcours en altitude où l’herbe est plus abondante.
Pour aller plus loin :
Des productions diversifiées
Les éleveurs produisent principalement du lait ou de la viande. Certains transforment à la ferme et vendent en direct aux consommateurs, d’autres empruntent des filières plus longues. Quoiqu’il en soit, le territoire regorge de nombreux produits de qualité dont beaucoup bénéficient d’appellation de qualité : AOP, IGP, Label Rouge. L’agriculture biologique est aussi bien représentée.
La laine et le cuir sont aussi des produits emblématiques issus des élevages du territoire. Ces filières étaient en perte de vitesse depuis des décennies, cependant des professionnels s’engagent dans des projets pour maintenir les savoir-faire et les développer.
Pour aller plus loin :
Des Causses et des Cévennes
Deux paysages, une culture
Causses et Cévennes, deux désignations qui font référence à des entités géographiques distinctes, mais ici unifiées dans un même paysage culturel de l’agropastoralisme. Deux entités voisines mais aux identités historiques et géologiques marquées : les Cévennes protestantes, de schiste et de granite, dominées par la pente omniprésente, un réseau hydrographique complexe et les peuplements forestiers, semblent naturellement s’opposer aux grands causses catholiques, hauts plateaux calcaires dénudés et arides.
Pourtant ces deux zones géographiques partagent une nature difficile : des contraintes topographiques à l’origine de leur isolement, la rudesse du climat entre les épisodes de pluies intenses et dévastateurs, les étés chauds et secs d’influence méditerranéenne, les rigueurs de l’hiver montagnard, les difficultés d’accès à l’eau, des sols pauvres et peu développés. Ces contraintes sont à l’origine de conditions de vie difficiles qui ont exigé des efforts d’adaptation importants à l’origine d’une culture agropastorale commune, seule à même de tirer partie des ressources du territoire.
Des paysages uniques
Les paysages agropastoraux des Causses et des Cévennes partagent la dimension monumentale des parcours utilisés pour le pâturage, la rareté des espaces cultivables aux formes paysagères spécifiques, un important patrimoine vernaculaire représentatif de toute l’ingéniosité des sociétés pastorales successives, ainsi que des savoir-faire, pratiques et traditions communes tels que le brûlage pastoral, la transhumance ou encore la technique de la pierre sèche.