Géographie
Les Cévennes constituent un massif au relief très contrasté, creusé de vallées parallèles aux profils encaissés (les valats) séparées par des crêtes aiguës (les serres). La géologie est dominée par le schiste et plus localement par le granite. Ces vallées, entaillées par des cours d’eaux vives, les Gardons, forment un réseau dense aux nombreuses ramifications.
D’orientation générale nord-ouest / sud-est, elles naissent depuis les contreforts montagnards des causses et des monts granitiques pour déboucher sur les garrigues gardoises. Leur topographie enchevêtrée s’organise autour de quelques vallées principales : vallée de la Cèze, vallée du Luech, Vallée longue, Vallée Française, Vallée Borgne et Vallée de Valleraugue. A ces dernières s’adjoignent de nombreuses ramifications de serres et de valats secondaires, eux-mêmes redécoupés en sous réseaux.
Les Cévennes sont sous l’influence climatique de la Méditerranée et de son ensoleillement, mais la diversité d’altitudes y engendre une multitude de micro-climats. L’hiver peut y être rude, les étés chauds et secs et les intersaisons dont notamment l’automne, sont le théâtre « d’épisodes cévenols ». Ce phénomène météorologique, lié au relief et à la proximité de la Méditerranée, se traduit par de soudaines et violentes chutes de pluie potentiellement dévastatrices. D’une manière générale, le régime méditerranéen très marqué impacte le réseau hydrologique par des à sec prolongés en été et des crues violentes en automne.
L’identité culturelle du territoire est quant à elle forgée à la fois par son histoire agricole (châtaigner, sériciculture) et industrielle (mines de charbon) mais aussi par l’histoire du protestantisme et des guerres de religion, qui imprègnent encore fortement la culture locale. La topographie complexe et difficile des Cévennes contribue à l’isolement des implantations humaines en une multitude de sites et de paysages retranchés, et en on fait de tout temps une terre de refuge en marge des contraintes sociétales, particulièrement durant les périodes de guerre de religion ou pendant la Résistance.
Agropastoralisme
Les paysages cévenols d’aujourd’hui, marqués par les terrasses et les châtaigneraies, sont le résultat d’une histoire agraire relativement récente. L’implantation du châtaigner, aussi appelé arbre à pain, s’intensifie à partir du XVème pour assurer la sécurité alimentaire du pays en remplaçant avantageusement les cultures céréalières aux rendements trop faibles et incertains. A partir de la fin du XVIIème, c’est la culture du mûrier pour le ver à soie qui se développe, activité très rentable associé à l’age d’or des Cévennes. Ces deux cultures sont à l’origine d’une augmentation de la démographie et d’une forte intensification de l’aménagement des pentes en terrasses. En parallèle, l’élevage est présent et joue notamment un rôle de transfert de fertilité aux cultures.
A partir de 1850, le pic démographique est atteint et on entre dans des périodes de crise : maladies du châtaignier et du mûrier, exode rural, concurrence, guerres... Le pays se reboise (spontanément ou via des politiques de reboisement massives avec du pin), l’élevage se développe pour sécuriser l’économie locale, ce qui permet de maintenir certains milieux ouverts. Les châtaigneraies permettent notamment de compléter l’alimentation des troupeaux quand l’herbe à la fin de l’été devient rare.
Dans les années 60-70, le déclin de l’agriculture et la dynamique d’enfrichement des milieux ouverts se poursuivent, mais on assiste à une spécialisation des élevages en ovin viande ou en caprin lait pour la production du Pélardon. Les parcours continuent de jouer un rôle important, le gardiennage quotidien, lié au manque de maîtrise foncière et à la difficulté du milieu, étant une des particularités des élevages cévenols. Néanmoins l’agrandissement des troupeaux, nécessaire au maintien des revenus, entraîne un accroissement de l'achat de foin trop difficile à produire localement mais indispensable aux besoins des animaux en période hivernale.
Parallèlement, les cultures sur terrasses s’intensifient avec le développement de la filière oignon doux des Cévennes, ce qui permet de maintenir pour partie ce patrimoine.
L’enfrichement des terrasses et la colonisation de la châtaigneraie cévenole par d’autres essences témoignent de ces récents bouleversements. Pour autant, le patrimoine rural, lié à l’histoire agraire des Cévennes, est encore bien présent et se révèle d’une richesse et d’un ingéniosité exceptionnelles, témoignant de la maîtrise du territoire par la culture agropastorale. Cette dernière, encore vivante aujourd’hui, s’organise autour de filières de production de qualité.
Paysage
Les paysages des Cévennes présentent un caractère très unitaire et identitaire lié à leur organisation en serres et valats, véritable motif paysager se répétant à différentes échelles. Cette unité est renforcée par l’importance des boisements recouvrant aujourd’hui l’essentiel du massif. L’omniprésence des terrasses de culture et de la châtaigneraie constitue également des motifs récurrents vecteurs d’unité, de même que l’habitat dispersé et isolé sur les pentes, dont l’architecture typique est encore bien conservée.
Cette unité est néanmoins nuancée par les variations climatiques entre les versants dont les orientations sont contrastées et entre les hautes vallées au climat montagnard et leurs débouchés sur des garrigues aux ambiances plus méridionales.
Des versants agricoles
Le profil en «V» des vallées, aux versants escarpés et aux fonds étroits, est typique de la topographie des Cévennes, faisant de la pente l’une des caractéristiques principales du paysage cévenol. Dans ce territoire aux reliefs abrupts, elle est omniprésente et représente une forte contrainte aux activités humaines. En réponse à cette dernière, l’aménagement des versants en terrasses agricoles constitue probablement la modification du territoire la plus remarquable. Innombrables, elles donnent à voir un paysage marqué par son exploitation agricole passée et actuelle, et sont le symbole de l’opiniâtreté des générations précédentes : on parle parfois d’agriculture héroïque.
Les terrasses
Les grands ensembles de terrasses sont constitués dès l’époque médiévale pour l’agriculture vivrière (maraîchage, fruitiers, châtaigneraie, vignes, céréales..). A partir du XVIIIème siècle avec l’essor de la sériciculture, c’est le mûrier qui prendra beaucoup de place jusqu’à son déclin au milieu du XIXème lié aux maladies puis à l’exode rural. Depuis, les terrasses tendent à s’enfricher et disparaître sous les accrus forestiers. Aujourd’hui, seules les plus proches des habitations sont encore entretenues, souvent en jardins potager ou d’agrément, ou bien pour la production d’oignon doux, ce qui leur assure un entretien plus soutenu. Sur les versants boisés, les terrasses encore exploitées s’apparentent à des clairières autour des hameaux dispersés sur les pentes. Elles constituent de véritable monuments de terre et de pierres et font partie de l’identité paysagère du pays.
Des versants forestiers
La culture du châtaignier, « l'arbre à pain » des Cévenols, et du mûrier, « l‘arbre d’or », dont la feuille était indispensable à l’alimentation du ver à soie (la sériciculture ayant fait la richesse des vallées cévenoles au XIXème siècle) ont également largement marqué le paysage. En particulier, la châtaigneraie en verger, à forte dimension culturelle mais en grande partie délaissée.
La châtaigneraie
Les châtaigneraies implantées dès l’époque médiévale étaient la base de l’agriculture vivrière des Cévennes. Ces boisements couvraient une large part du massif jusqu’à leur abandon consécutif à l’exode rural et à la maladie de l’encre. Aujourd’hui, les anciennes châtaigneraies évoluent majoritairement en boisements sauvages et sont colonisées par les plantations de pins ou le chêne vert spontané. Pour autant, aux abords des hameaux, elles sont toujours entretenues en vergers et constituent encore l’un des boisements principaux du massif. Élément historique et identitaire du pays, la châtaigneraie est l’un des grands éléments emblématiques du paysage cévenol.
A partir de la moitié du XIXème siècle, c’est la fermeture du territoire par des essences envahissantes (chêne vert et pin maritime), en corollaire avec le déclin des pratiques agricoles, qui transforme les paysages. En effet, l’essor industriel des mines de charbon au XIXème siècle a conduit à la plantation de pins maritimes, pour les besoins en bois d’étayage des galeries de mine. Parallèlement, des plantations de pins noirs étaient subventionnées par l’État pour minimiser les problèmes d’érosion et le risque d’inondation. Depuis, ces plantations colonisent l’ensemble du massif remplaçant progressivement les essences historiques. Ces dynamiques donnent à voir aujourd’hui un territoire à dominante forestière, où se mêlent l’ancienne châtaigneraie vivrière cévenole, des pineraies et des chênaies.
Les crêtes et les vallées
Les crêtes encore valorisées par l’élevage et ses chemins de transhumance composent des paysages ouverts implantés de landes à bruyère ou à genêt. Ces paysages sont parmi les plus emblématiques des Cévennes. Surplombant le grand manteau boisé des vallées, ils offrent des vues exceptionnelles sur le relief tourmenté du massif. Les chemins de randonnée qui reprennent le tracé des drailles, les fameux balcons des Cévennes, contribuent à la renommée du territoire.
Les chemins de transhumance
Obstacle naturel entre les plaines méditerranéennes et les terres de pâturage d’altitude, les Cévennes sont traversées sur leurs crêtes par des chemins de transhumance dénommés drailles dont l’ancienneté remonte parfois au néolithique, comme en témoignent les nombreux monuments mégalithiques qui les jalonnent. La transhumance, encore vivante sur le territoire, emprunte toujours ces chemins historiques.
Quant aux fond de vallées, ils offrent les rares prairies du territoire, installées sur des terrasses alluviales. Ces espaces agricoles sont souvent implantés de fruitiers ou d’anciens mûriers.
Eau salvatrice / Eau destructrice
Autre élément entrant dans la fabrique du paysage cévenol : le climat d’influence méditerranéenne alternant des périodes de sécheresses et de précipitations intenses. Du fait de la topographie tourmentée et de l’intensité des épisodes pluvieux, on trouve dans les Cévennes un réseau hydrographique dense avec de grandes vitesses d’écoulement, les sols soumis à l’érosion sont peu développés et les écoulements essentiellement surfaciques. Ce facteur climatique a grandement influé sur la façon dont les hommes ont investi le territoire. En effet, dans les Cévennes, la gestion de l’eau est un enjeu capital : ici, la vie des hommes est tout autant marquée par la quête quotidienne de l’eau que par la terreur des écoulements destructeurs lors de pluies intenses.
Les ouvrages hydrauliques
Les nombreux ouvrages hydrauliques visant à capter l’eau pour l’irrigation en période estivale, ou bien à l’évacuer efficacement lors d’un épisode pluvieux, constituent l’une des richesses patrimoniales des Cévennes. Souvent discrets et mal connus, ces aménagements, associés aux systèmes de terrasses, témoignent de toute l’ingéniosité déployée ici pour s’adapter aux conditions géologiques et climatiques.
Implantation humaine
L’habitat rural dispersé et isolé sur les versants en d’innombrables hameaux ou mas cévenols constitue un élément central de l’identité du paysage cévenol. L’implantation du bâti se fait le plus souvent à mi-pente, guidée par la présence de sources, de replats ou d’abris. Sur ces versants, la maison cévenole, haute et étroite, parfois encastrée dans le rocher, oriente traditionnellement son pignon vers la vallée, et se compose d’un corps d’habitation sur deux ou trois niveaux. L’architecture s’adapte à la pente et s’intègre à son environnement. Les hameaux forment généralement des ensembles très groupés reliés par des murs et des passages. Ils s’accompagnent de terroirs de terrasses et d’un important patrimoine vernaculaire lié au activités agricoles (clèdes, béals, moulins, bassins…) qui participent à l’identité du pays.
Sur les cols ou en fond de vallées, les villages-rue s’organisent en constructions resserrées et alignées au plus prés des voies. En bordure des rivières, les hameaux plus isolés avec le plus souvent la présence d’un moulin, s’organisent en mince alignement pour préserver les prairies alluviales.
La culture du ver à soie a également impacté l’architecture avec l’installation de magnaneries souvent par surélévation des constructions existantes.
La pierre est omniprésente : apparente sur les façades, les toitures en lauze ou les murs de terrasses... Elle est toujours en lien avec la géologie des sites d’implantation (schistes ou granite) et donne un aspect austère et rustique aux bâtiments.