L’habitat des Causses
De nombreux hameaux des causses sont bâtis en bordure des gorges, le lien avec les vallées étant indispensable pour échanger des produits, moudre les céréales, trouver des parcours pour les cheptels, etc. Les hameaux se sont dans tous les cas développés à la jonction des terres cultivables et des parcours, parfois directement sur un socle rocheux, afin de limiter leur emprise sur les terres exploitables.
Une architecture unique
L’habitat du causse a dû s’adapter à deux contraintes majeures : l’absence d’arbres de haute futée et d’eau. Ainsi, l’habitat a tout mis en œuvre pour économiser le bois et optimiser la gestion de l’eau. La caractéristique de la construction caussenarde est l’utilisation omniprésente de la voûte.
Un savoir-faire d'exception
L’homme a développé un savoir-faire exceptionnel en cela. L’habitat caussenard se développe sur deux niveaux : le rez-de-chaussée où on met le troupeau, voûté avec un arc surbaissé, le cheptel de brebis ne nécessitant pas une grande hauteur sous plafond. De plus, le troupeau apporte de la chaleur à l’étage où se trouve l’habitat séparé de la bergerie par un sol en frejals, c’est à dire en grandes dalles de pierre. Ce second étage est généralement bâti avec un arc brisé de grande hauteur permettant d’y aménager un plancher pour séparer les pièces à vivre du grenier, où on stocke les semailles. Au XIXème siècle on y aménagea parfois des chambres, jusqu’alors situées dans la pièce commune.
Cheminées et voûtes
La cheminée, généralement placée sur le mur pignon, permettait, avec la chaleur du troupeau en-dessous, de diffuser une source de chaleur supplémentaire dans les pièces à vivre. Les voûtes exercent des pressions très importantes mais complémentaires sur les murs, aussi ceux-ci sont généralement très épais (minimum 1,20 m d’épaisseur).
L’utilisation de la voûte permettait ainsi de palier l’absence de bois pour la charpente et de limiter le risque d’incendie dans une zone dépourvue d’eau. De plus, seule la voûte a la capacité de supporter le poids du toit composé de lauzes calcaire et pesant ainsi entre 250 et 400 kg le m² en fonction de leur épaisseur.
Les citernes
L’autre élément indispensable à la vie sur le causse reste donc la citerne. En effet, en raison du sol karstique, toute l’eau de pluie tombe mais fuit au travers des diaclases du causse : pas de rivière, ni de ruisseau, parfois rarement un puits. Les hommes stockaient ainsi l’eau en l’amenant depuis les toits via des chéneaux de bois vers la citerne bâtie dans la maison ou juste à côté. Les habitants y accédaient par un puisard depuis l’intérieur de la maison.
Des maisons atypiques
Les maisons caussenardes disposent de peu d’ouvertures afin de ne pas générer de perturbations dans une architecture très lourde. La façade la plus ouverte est tournée vers le sud afin de capter la chaleur du soleil et des fenêtres sont aussi percées en lucarne. L’escalier et la terrasse sont le signe d’apparat et de richesse de la ferme ainsi que, parfois, le pigeonnier.
La cheminée est aussi très caractéristique de cette architecture, elle est composée de 4 ou 6 plots supportant une grande lauze horizontale, elle-même surmontée d’une pierre dressée, le coucut, qui a une symbole de porte-bonheur.
D’autres bâtiments annexes complètent l’habitat : le four à pain placé un peu à l’écart pour éviter le risque d’incendie, la grange, souvent située de plain-pied avec l’aire à battre, la porcherie et de petits édicules pour les volailles ou les lapins. Si la ferme est riche, une étable ou une autre bergerie sont aussi attenantes.
Certaines fermes ont conservé un mur d’enceinte avec un grand portail, mais, avec l’arrivée des tracteurs, ils ont souvent été détruits, car ils empêchaient le passage des engins.
L’habitat des Cévennes
Les hameaux cévenols sont soit situés dans les vallées le long des voies de communication, soit, et c’est beaucoup plus fréquent, à mi-versant, entre les terres aménagées et la châtaigneraie.
Un habitat dans la roche
Généralement, leur altitude est faible, entre 200 et 400 m, aussi les villages cherchent plutôt à se protéger du soleil. Ils doivent aussi composer avec le schiste, pierre des Cévennes, de couleur foncée et feuilletée, ce qui peut parfois amplifier sa résistance aux glissements de terrain, notamment lors des fortes pluies. Aussi l’habitat cévenol est profondément ancré dans la roche, la base de la maison en encoche dans le rocher. Les unités d’habitation, avec leurs bâtiments annexes, s’appellent des mas.
De hautes maisons
La maison cévenole présente une forme haute et étroite, pouvant parfois atteindre 5 ou 6 étages, tous accessibles de plain-pied à l’arrière de celle-ci. Elle est construite dans le sens de la pente, le mur-pignon ouvert sur la vallée. C’est en raison du peu de place disponible que les agrandissements se font en hauteur mais aussi en raison de la charpente. Les poutres de châtaigner ne mesurent en effet que 5 ou 6 m de longueur, ce qui explique en partie la largeur des maisons.
Des bâtis en schiste
Le schiste est utilisé en petits appareils, ce qui confère une grande homogénéité au bâti. Les pierres sont placées légèrement inclinées vers l’extérieur pour empêcher l’eau de pluie de pénétrer. Les murs sont bâtis avec une sur-épaisseur à la base, formant un contrefort et des retraits à chaque niveau. Leur épaisseur est généralement entre 90 cm et 1 mètre de large. Les fenêtres, ouvertes vers la vallée, sont parfois dotées de linteaux en châtaignier, le schiste résistant mal à la flexion en raison de sa structure feuilletée.
Un aménagement type
Le sous-sol, à demi enterré, abrite la cave, la bergerie ou la chèvrerie, l’élevage des chèvres étant connu pour la production du pélardon depuis l’Antiquité.
Au-dessus se trouve la salle commune puis, dans les étages supérieurs, les chambres, le grenier, le garde-manger et à certaines époques la magnanerie. En effet, avec un peu d’observation, on peut parfois remarquer que les maisons cévenoles ont été rehaussées ou sont pourvues de nombreuses cheminées. Ceci s’explique par « l’âge d’or des Cévennes », c’est à dire le développement de la sériciculture, l’élevage du ver à soie au XVIIIème siècle. Chaque foyer s’adonnait à cette activité complémentaire et élevait des vers à soie nourris avec les feuilles du mûrier blanc. Les nombreuses cheminées présentes sur le toit avait pour fonction d’apporter une ventilation suffisante, nécessaire à cet élevage.
Les toits des Cévennes sont aussi en schiste, pierre qui grâce à sa texture feuilletée, se délite facilement en lauzes. En raison de la présence de veines de fer sur certaines, les toits se parent parfois d’une teinte légèrement rouille, mais cela n’empêche en rien l’étanchéité de la toiture, ni sa résistance.
Dédales de venelles
Les bâtiments formant l’unité du mas (porcherie, four à pain, fenil, remises diverses) sont enchevêtrés et souvent reliés par des venelles très étroites ou passages couverts. Certains disent que ceci a facilité la cache de fuyards ou de persécutés lors des guerres de religion puis lors de la seconde guerre mondiale. Ces passages et terrasses sont souvent recouverts de glycines ou de treilles de vignes.
"Arbre à pain", tombes et terrasses
L’arbre emblématique que l’on trouve omniprésent dans l’habitat cévenol demeure le châtaignier. On nomme cet arbre « l’arbre à pain » car il a nourri, grâce à ses fruits particulièrement riches en protéines, de nombreux cévenols dans les temps de disettes. On dit également que le châtaignier accompagne la vie du cévenol toute sa vie : depuis le berceau, en passant par les meubles de sa maison et enfin son cercueil, l’accompagnant ainsi dans sa dernière demeure.
La caractéristique des hameaux cévenols est aussi d’avoir parfois conservé les tombes des aïeux dans les terres jouxtant le mas, témoignage de la religion protestante.
Des terrasses sont toujours aménagées auprès du mas pour pouvoir y cultiver un potager et quelques fruitiers grâce à un climat propice à la polyculture.
L’habitat des monts
Situés entre 1 000 m et 1 500 m d’altitude, les hameaux des monts doivent faire face à des hivers longs et rigoureux où la neige, le vent violent et le froid sont au rendez-vous l’hiver. La roche granitique est omniprésente dans le paysage sous forme de gros chaos rocheux, boules de granit fracturées par l’érosion.
Des habitats de granit
Le granit, roche très dure à travailler, est souvent utilisé sous forme de moellons de gros gabarits dans les constructions, ce qui les rend particulièrement massives. On parle parfois d’architecture cyclopéenne.
Des fermes imposantes
La ferme des monts est généralement organisée selon deux plans : soit en ligne, soit en L, clôturée par un mur d’enceinte. L’étable et le logis situés au rez-de-chaussée sont dans le prolongement l’un de l’autre. L’élevage bovin est majoritaire avec des races rustiques réputées pour leur viande telles que l’Aubrac ou la Charolaise.
La salle commune, qui souvent avait aussi la fonction jour / nuit, bénéficie ainsi de la chaleur de l’étable n'étant parfois séparée de cette dernière que par une cloison en bois. La cheminée, plaçée sur le pignon opposé apportait une autre source de chaleur.
Au-dessus de l’étable, on trouve la grange où une trappe est aménagée afin de faire tomber le foin sur les animaux situés en-dessous. Dans le prolongement de la grange, les combles permettaient de stocker la nourriture et les semailles. Les fermes ne comptent pas plus d’un étage, en raison du poids du granit. Les fenêtres, plutôt petites et encadrées d’un gros appareillage, sont toutes placées dans le même alignement.
Sur les monts, les toitures sont en lauzes de schiste mais, traditionnellement, sur le Mont Lozère, elles étaient réalisées en chaume. A noter que les pentes de toits sont très fortes, elle peuvent atteindre plus de 70 %, ceci afin de ne pas garder la neige trop longtemps.
Le four à pain, la porcherie, l’aire à battre, sont disposés à l’intérieur du mur d’enceinte. Le lavoir, le four à pain banal, le métier à ferrer et parfois le clocher de tourmente sont dans le hameau des lieux de rassemblement et de convivialité.
Une vie en autarcie
Ces fermes avaient pour habitude de vivre presque en autarcie une partie de l’année. Le jardin, protégé à l’abri d’un mur clos, apportait, avec les patates et les choux plantés en plein champs, un complément de nourriture, en plus du lait et du fromage transformé directement à la ferme pour la consommation familiale.