La reconnaissance d'un héritage
Les Causses et les Cévennes sont inscrits sur la Liste du patrimoine mondial en tant que paysage culturel évolutif et vivant de l’agropastoralisme méditerranéen.
Cette reconnaissance vient en complément d’un ensemble de dispositifs de protection déjà en place sur les volets naturels, paysagers et patrimoniaux.
Ainsi, elle parachève et donne de la cohérence à ces multiples enjeux en réaffirmant le rôle des activités humaines dans les qualités naturelles et paysagères du site. Elle élargit également la reconnaissance de ses qualités patrimoniales en y intégrant l'ensemble des attributs bâtis liés à l'activité agropastorale, les savoir-faire et pratiques relevant de cette culture ainsi que les milieux façonnés, qui en eux même, sont un héritage.
Les critères d'inscription
Les raisons expliquant la Valeur Universelle Exceptionnelle des Causses et des Cévennes et son inscription au patrimoine mondial se trouvent dans la satisfaction de deux des critères définis par l'UNESCO : les critères iii et v.
Critère (iii)
Les Causses et les Cévennes sont un témoignage exceptionnel d'une tradition culturelle d'une civilisation vivante : l'agropastoralisme méditerranéen.
« … Cette tradition culturelle, basée sur des structures sociales et des races locales caractéristiques, se reflète dans la structure du paysage, en particulier dans les modèles de fermes, d'établissements, de champs, de gestion de l'eau, de drailles et de terrains communaux de vaine pâture et dans ce qu'elle révèle sur le mode d'évolution de ces éléments [...]. »
Extrait de la décision 35COM 8B.39
« La tradition agropastorale plurimillénaire des Causses et des Cévennes a généré un paysage culturel dont la structure résulte d’un ensemble d’attributs caractéristiques qui révèlent une maîtrise des milieux physiques et naturels du territoire, des pratiques agronomiques et une culture singulière, tant religieuse que savante et populaire.»
Dossier d'inscription
Critère (v)
Les Causses et les Cévennes sont un exemple d'établissement humain traditionnel, de l'utilisation du territoire représentatif d'une culture et d'une interaction humaine avec son environnement.
« … Les zones du paysage illustrent des réponses exceptionnelles apportées à la manière dont le système s'est développé au fil du temps.... »
Extrait de la décision 35COM 8B.39
«Le paysage culturel évolutif vivant des Causses et des Cévennes est un exemple éminent d’une exploitation du territoire dans une réelle interaction de l’homme et de son environnement. Ce paysage culturel perdure depuis trois millénaires grâce à sa capacité d’adaptation à son environnement politique, économique et social. De plus il présente encore aujourd’hui, une réponse exceptionnelle face aux évolutions contemporaines.»
Dossier d'inscription
L'agro-pastoralisme
L'agropastoralisme peut se définir comme un système d’élevage associant le pâturage extensif de ressources végétales spontanées et la production de céréales et de fourrages destinés à compléter l’alimentation des troupeaux en période hivernale notamment. Le pastoralisme est généralement associé à une forte mobilité des troupeaux et un savoir-faire dans leur conduite permettant la valorisation durable de surfaces difficiles car peu productives et non mécanisables.
Les Causses et Cévennes sont un témoignage particulièrement bien conservé des organisations agropastorales successives. Il s’agit d’un paysage évolutif car il résulte de cette activité agropastorale multiséculaire et reflète dans sa forme ses différentes périodes d’aménagement. Pour s’adapter aux contraintes naturelles du territoire et tirer partie de ses ressources, l’Homme s’est appuyé sur l’agropastoralisme, façonnant ainsi des paysages dédiés à cette activité et faisant émerger une culture singulière autour des pratiques et savoir-faire ainsi développés : la culture agropastorale.
Par ailleurs, les fondements de cette activité sont encore en place aujourd’hui et l’agropastoralisme continue de jouer un rôle social et économique actif sur le territoire. Les Causses et les Cévennes présentent en effet une grande diversité d'organisations pastorales différentes : sédentaire ou transhumant, agropastorale ou sylvopastorale, ovin, caprin ou bovin. Le site est à ce titre représentatif de pratiques agropastorales rencontrées sur le pourtour Méditerranéen. Ces pratiques toujours en cours contribuent à poursuivre le processus évolutif, on parle alors de paysage vivant.
Les attributs culturels
Authenticité et Intégrité
Dans le cadre de l’inscription au patrimoine mondial, il est nécessaire de pouvoir justifier de l'authenticité et de l'intégrité du site. L'authenticité permet d’apprécier le caractère crédible et véridique de la Valeur Universelle Exceptionnelle (VUE) au travers d'une série d'attributs culturels. L'intégrité permet quant à elle d’apprécier le caractère exhaustif et préservé des attributs, condition essentielle pour l'expression de la VUE.
Les attributs sont donc les caractéristiques du paysage culturel, les éléments identitaires, constitutifs de la VUE. Ils peuvent être matériels ou immatériels et vont permettre de définir plus précisément les singularités paysagères et culturelles d’un site inscrit. Plus particulièrement sur les Causses et les Cévennes, ils sont comparables à des marqueurs qui, dans le paysage, témoignent de la culture agropastorale au sens large et de ses évolutions.
Le patrimoine bâti
En lien avec l'activité agropastorale : il s'agit de constructions souvent en pierre sèche tels que les ouvrages de gestion hydraulique, les abris pour les troupeaux et pour les hommes, les murets délimitant parcelles et chemins ou servant de soutènement pour l’aménagement des pentes en terrasses.
Ces attributs témoignent à la fois d’une maîtrise du territoire par son exploitation agropastorale mais aussi des pratiques, croyances et savoir-faire associés. En outre, ils sont représentatifs du génie humain par les systèmes constructifs exceptionnels qu’ils ont su développer pour s’adapter aux fortes contraintes du territoire.
Disséminés sur le territoire, ils constituent de véritables marqueurs et motifs paysagers porteurs de valeurs et d’identité. Ils structurent en effet un paysage spécifique et singulier témoignant autant de l’implantation humaine ancienne que de l’activité agropastorale. Les motifs récurrents soulignent l’adaptation des pratiques aux ressources et contraintes locales et forgent le caractère unique du paysage.
Le patrimoine immatériel
En lien avec la culture agropastorale : il s'agit ici des savoir-faire, pratiques et traditions tel que la transhumance des troupeaux en période estivale associée à la connaissance des chemins et lieux de passage (draille, col), les rites pastoraux pour la protection des troupeaux, l’utilisation de la pierre sèche ou encore les savoir-faire liés à la gestion des milieux (conduite des troupeaux, brûlage).
Nous parlons de patrimoine immatériel car ce ne sont pas des éléments patrimoniaux visibles et tangibles. La catégorie des paysages culturels intégrée dans la convention du patrimoine mondial en 1992 a permis d’élargir la notion de patrimoine culturel aux attributs immatériels. Néanmoins, en 2003, l’UNESCO a introduit la convention du Patrimoine Culturel Immatériel (PCI) ouvrant vers une reconnaissance spécifique des savoir-faire et traditions. Certains des attributs immatériels des Causses et des Cévennes ont été depuis intégrés au PCI tels les savoir-faire de la pierre-sèche, de la transhumance et demain certainement du cuir et de la ganterie.
Les milieux façonnés
Ils sont façonnés par l'activité agropastorale avec, d'une part les prairies et landes semi-naturelles utilisées pour le parcours des troupeaux constituant des milieux ouverts à forte valeur patrimoniale et environnementale, et d'autre part, les rares espaces cultivés aux formes caractéristiques et singulières : cultures sur terrasses dans les Cévennes et cultures dans les dépressions argileuses appelées « dolines » sur les causses.
La catégorie des paysages culturels introduit l’idée que les milieux façonnés par l’homme portent en eux-même une valeur patrimoniale. En effet, ils sont issus d’un long processus d’adaptation aux besoins de l’activité agropastorale, elle-même nécessaire à la viabilité des populations sur ce territoire particulièrement difficile. Fruit du travail des générations passées, ces milieux constituent donc un héritage dont la perte serait préjudiciable pour l’activité agropastorale tant leur constitution a nécessité un important effort humain au fil des siècles.
Focus sur
l’aménagement des pentes en terrasses
L’aménagement des versants en terrasses est probablement une des modifications du paysage la plus remarquable dans les Cévennes. C’est la réponse adaptée dans ce territoire aux reliefs abrupts pour disposer de surfaces cultivables.
On retrouve ce type de construction ailleurs, notamment dans le pourtour méditerranéen, mais dans les Cévennes le niveau d’aménagement est particulièrement élevé, ce qui en fait un motif emblématique de l’identité paysagère du pays.
Elles représentent de véritables monuments de terre et de pierre et sont le symbole de l'opiniâtreté des générations précédentes pour constituer ce terroir, on parle parfois d’agriculture héroïque. Elles forment un paysage ouvert mais labyrinthique et minutieusement jardiné.
Focus sur
la valeur patrimoniale des surfaces pastorales
C'est la pression de pâturage, exercée pendant plusieurs millénaires, qui a façonné ces milieux. Une origine anthropique qui en fait une œuvre conjuguée de l’homme et de la nature.
Ces surfaces offrent des qualités paysagères remarquables compte-tenu de l'étendue et de la profondeur des vues qu’elles ouvrent et de leur caractère hétérogène leur garantissant un faciès naturel et authentique.
Elles sont également l’habitat d’une forte biodiversité intrinsèque aux milieux ouverts et à l’action de pâturage. Les qualités environnementales des prairies semi-naturelles sont largement reconnues notamment au niveau communautaire au travers du réseau Natura 2000.
Ces surfaces concentrent une importante densité de traces, vestiges et bâtis témoignant des organisations pastorales successives.
Enfin, ce sont des surfaces emblématiques et identitaires de la culture pastorale, leur nature peu productive et non mécanisable en fait le support intrinsèque des pratiques et savoir-faire pastoraux (valorisation de la ressource spontanée, mobilité du troupeau, caractère extensif des élevages, art du berger…).